« Il est difficile de faire des prédictions, surtout en ce qui concerne l’avenir. » – Proverbe danois
En fait, nous, les chercheurs de l’étude ComPARe, n’avons pas prédit ce à quoi ressemblera le fardeau futur du cancer, mais nous avons plutôt projeté ce à quoi le fardeau futur du cancer pourrait ressembler, en tenant compte de la tendance passée de l’incidence du cancer et de la prévalence des facteurs de risque. Nous avons également projeté comment nous pourrions réduire le nombre de cas futurs de cancer en adoptant un mode de vie sain et des politiques qui protègent la population.
Trois éléments d’information sont essentiels pour faire de telles projections : l’incidence du cancer, la prévalence des facteurs de risque et les scénarios d’intervention.
- Premièrement, nous avons projeté l’incidence future du cancer (combien il y aura de cas de cancer) au Canada en nous appuyant sur des renseignements passés sur l’âge et l’année de naissance des Canadiens qui ont reçu un diagnostic de cancer ainsi que sur l’année de leur diagnostic.
- Deuxièmement, nous avons projeté la prévalence future des facteurs de risque (à quel point les facteurs de risque seront courants) en nous fondant sur des observations historiques. Par exemple, pour le tabagisme, une tendance à la baisse a été observée entre 1994 et 2011 et nous avons supposé que celle-ci se poursuivra dans l’avenir.
- Troisièmement, nous avons élaboré une série de scénarios d’intervention. On peut se les figurer comme plusieurs univers parallèles dans chacun desquels une intervention sera mise en œuvre en vue de réduire l’effet d’un facteur de risque dans l’avenir. En comparant ces univers parallèles à ceux dans lesquels ces interventions n’ont pas été mises en œuvre, nous avons pu estimer le nombre de cas de cancers qui pourraient être évités.
Nous avons estimé que, parmi les cas de cancer qui seront diagnostiqués en 2042, environ 100 000 pourraient être dus à des facteurs de risque modifiables. Par rapport à 2015, le tabagisme serait toujours le facteur de risque le plus important, responsable de 47 000 cas de cancer en 2042 (comparativement à 32 700 cas de cancer en 2015). Si l’épidémie d’excès de poids actuelle continue de s’aggraver, l’obésité pourrait devenir le deuxième facteur de risque le plus important, contribuant à 17 400 cas de cancer en 2042 (comparativement à 5700 cas de cancer en 2015).
Près de 40 000 cas de cancer pourraient être évités grâce aux divers scénarios d’intervention que nous avons conçus. Ces interventions comprennent :
- réduire de 50 % la prévalence des facteurs de risque suivants : tabagisme, consommation d’alcool, activité physique inadéquate, comportement sédentaire, faible consommation de légumes et de fruits, bronzage, bains de soleil, bronzage artificiel, infection aux virus des hépatites B et C (VHB et VHC) et à Helicobacter pylori
- réduire de 25 % la prévalence de l’obésité
- diminuer de 1 et de 2 portions la consommation quotidienne de viande transformée et de viande rouge
- atténuer toutes les expositions au radon en milieu résidentiel supérieures à 100 Bq/m3 pour les faire passer à 50 Bq/m3
- réduire de 50 % la pollution atmosphérique (PM2,5)
- augmenter à 80 % la couverture de vaccination contre le VPH chez les filles et les garçons d’âge scolaire.
Ces scénarios d’intervention laissent entrevoir la possibilité d’un bel avenir associé à moins de cancers, mais cela ne deviendra réalité que si nous agissons rapidement pour aider les Canadiens à vivre en meilleure santé dans des environnements plus sains. Commençons à apporter ces changements dès aujourd’hui.
Yibing Ruan, Ph. D., MPH, CPH
Département de recherche sur l’épidémiologie et la prévention du cancer
Services de santé de l’Alberta
Équipe travaillant sur le mode de vie de l’étude ComPARe